Je me réveille naturellement quelques minutes avant le réveil. Jackpot. Je peux faire ma toilette avant que le reste du refuge envahisse les lieux. Je m’habille, je mets de la nok sur mes pieds, j’enfile mon sac sur le dos et je descends au rez-de-chaussée mettre mes chaussures d’alpi. Comme nous l’avait demandé Ludovic la veille, je sors immédiatement du refuge pour installer mon piolet sur mon sac et laisser mon sac à l’extérieur du refuge. J’ai la chance de pouvoir profiter d’un ciel étoilé.
J’arrive à me frayer un chemin pour sortir du refuge où je retrouve Ludovic, Maxence et Yoann. Il est 4h passé et nous allumons notre lampe frontale, prêt à faire l’ascension du Grand Paradis.
L’ascension du Grand Paradis
L’alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un jour, ses yeux ont regardé… – Gaston Rébuffat
Des mois à rêver du Grand Paradis et nous y voilà, un pas après l’autre nous nous dirigeons vers le sommet de notre premier 4000m. Je souris. Je souris, car je suis en train de vivre un rêve éveillé sous une nuit étoilée. Magique.
Il fait nuit noir et j’ai pour seul guide les pieds de Ludovic éclairés à la frontale. La marche d’approche se fait à un très bon rythme. J’ai l’impression d’être sous hypnose : je place mon pied là où Ludovic a posé le sien au préalable et ainsi de suite. Je n’ai pas la moindre idée du terrain, pourtant technique, sur lequel on évolue ni du temps qui passe.
Devant le glacier, j’aperçois François, Béatrice et leur guide, prêts à en découdre tandis que nous commençons à nous équiper pour l’ascension. Je mets mes crampons puis Ludovic nous encorde. Nous sommes une cordée de quatre et j’en suis la seconde.
Rendez-vous au sommet !
Les crampons, c’est une grande première pour moi et il faut dire que les premiers pas dans la neige sont d’une simplicité étourdissante.
Ludovic nous cale sur un petit rythme. J’en viens presque à me dire que cette ascension sera trop facile. Cependant, Maxence rencontre des difficultés avec ses crampons, ils se « détachent ». Nous nous arrêtons deux/trois pour les remettre en place. De mon côté, je profite de ces micro pauses pour me ravitailler et faire des photos. Le jour se lève nous offrant un dégradé de couleur sur les sommets, digne du logo de Patagonia.
Impatiente, je commence à me lasser des arrêts, je n’ai qu’une envie, avaler ce sommet d’une seule traite ! Le ciel est dégagé, mais nous rencontrons des rafales de vent sur le dernier coup de cul nous menant au sommet. On s’arrête une dernière fois pour mettre nos vestes et gants d’alpi. J’ai les mains gelées et mon cher ami, le syndrome de Raynaud, à décider de pointer le bout de son nez. Mais je décide de ne rien dire, de bouger mes doigts en continu et d’y penser le moins possible, le stress pouvant aggraver la crise. Au bout d’une vingtaine de minutes, les symptômes disparaissent.
Le sommet
Mon rêve n’aura jamais été aussi près de moi. Il ne reste qu’une corniche avant d’arriver sur la phase rocheuse du sommet du Grand Paradis. J’aperçois alors François, Béatrice et Rocco, déjà prêt à redescendre.
Ce passage rocheux est bien plus technique que ce que j’aurais pu imaginer, cela me met en inconfort et j’adore ça ! Poser les mains pour grimper, assurer les points d’ancrage, s’attendre et se pousser –littéralement- vers le haut.
La madone, elle est là. Le sommet, il est là. Du moins, j’y suis. Mon premier 4000M. Plus précisément, le sommet du Grand-Paradis – et sans jeu de mots – j’ai l’impression d’y être, au paradis.
Retour sur terre
Nous avons à peine le temps de prendre quelques photos et de manger une petite collation qu’il est déjà temps de partir. Une cordée arrivant au sommet, nous les félicitons et leur laissons la place, à leur tour de savourer !
Nous redescendons rapidement, au début. Sur le milieu de la descente, Ludovic nous détache de la cordée. Au fur et à mesure que l’on descend, je sens la neige fondre sous mes pieds. Je diminue la cadence car je sens que mes jambes commencent à fatiguer de faire des pseudos fentes/squats depuis 4h du matin aha.
Arrivé sur la terre ferme, j’enlève mes crampons et des couches de vêtements. Il est encore tôt, mais le soleil commence à taper. Le retour vers le refuge se fait bien plus lentement que le matin, car la lumière du jour me permet de prendre conscience du terrain qui est assez technique. Maxence et Ludovic sont en forme. Ils décident de partir. Avec Yoann, nous faisons le choix de prendre notre temps. Je sais qu’il me reste environ 1h30 pour arriver au refuge et me régaler d’un délicieux plat de pâtes.
L’euphorie est redescendue depuis un petit moment déjà, nos jambes sont fatiguées et notre lucidité est portée disparue. C’est clairement dans ces moments-là que les accidents bêtes arrivent. La montagne est si belle. Autant prendre le temps d’en profiter, non ? Nous arrivons au refuge vers 11h30 avec une seule pensée en tête : MANGER !
Buon appetito !
Jour 1 : Vivre ; ça doit être une sacrément belle aventure >
Jour 2 : Accroche-toi à ta pensée agréable >
Jour 3 : Quel monde merveilleux >
Le nom de notre aventure La Haute Route du Grand Paradis
Credits Photos : Yoann Rochette & moi-même